Expérience employé

2022.12.05

Au travail comme partout ailleurs, le bonheur a la cote

Par Stéphane Rochereau

Finie l’époque où travailler voulait dire se lever à reculons pour aller souffrir sa peine. Les avis sont unanimes, le bonheur est aujourd’hui l’ingrédient clé pour créer un environnement de travail attirant et performant. Durant de nombreuses années, nous nous sommes fait rappeler, en tant que gestionnaires, l’importance de mettre en place des initiatives pour susciter l’engagement au sein du personnel. Aujourd’hui, nous constatons que cette approche abordait le problème dans le mauvais sens.  

Dans le contexte actuel, les employé.es se retrouvent désormais en position de force vis-à-vis des employeurs. Ce retournement de situation a mis en lumière une réalité fondamentale qui, jusqu’à récemment, était relativement occultée par l’accent placé sur la productivité à tout prix : au travail comme ailleurs, l’être humain désire avant tout être heureux. Cela peut sembler surprenant, mais nos organisations ont longtemps négligé cette évidence.  

Les études démontrent que les personnes heureuses au travail sont plus créatives, plus productives et surtout plus engagées, et non l’inverse. Qui plus est, leur bonheur contamine le reste de l’équipe, favorisant ainsi une adhésion collective aux valeurs et aux objectifs. Autrement dit, le bonheur est incontournable, car il avantage tout le monde! 

Peut-on fabriquer du bonheur? 

Fabrique du bonheur

Tout le défi réside dans cette question. Il y a en effet de grands pas à franchir pour passer de la théorie à la pratique. Le bonheur demeure un concept abstrait et s’avère plutôt difficile à mesurer. Mais pour commencer, qu’est-ce que le bonheur au juste? Selon le Petit Robert : « le bonheur est un état de la conscience pleinement satisfaite, c’est ce qui rend heureux ». Avouez que nous ne sommes guère plus avancé.es… Wikipédia le définit pour sa part par « un état de plénitude, de satisfaction ou de sérénité, un état agréable et équilibré de l’esprit et du corps, d’où la souffrance, le stress, l’inquiétude et le trouble sont absents ». On se rapproche ici de l’objet de cette quête qui est commune à l’ensemble de l’humanité.  

Chercheur américain dont les études postdoctorales analysent les effets du bonheur au travail sur la performance des organisations, Shawn Anchor va plus loin en affirmant que le bonheur au travail ne réside pas dans la croyance que nous n’avons pas besoin de changer, mais bien dans la réalisation que nous pouvons changer. Bref, il s’agit du sentiment ressenti lorsque nous prenons conscience d’être sur la bonne voie pour réaliser notre plein potentiel. 

Si la recherche du bonheur est une évidence, cet objectif est loin d’être facile à atteindre ou à partager pour nous, les gestionnaires. Sur le plan personnel, sa quête exige un mélange de discipline et d’introspection. Puis, lorsqu’il s’agit de vouloir l’instaurer au sein d’une équipe, nous devons faire preuve de tact et de doigté, tout en posant les bons gestes pour favoriser son essor. Autrement dit, le bonheur est un jardin qui demande à être cultivé. 

 

Commencer par soi-même 

Tel que mentionné précédemment, le bonheur est un état contagieux. Les bons leaders prêchent par l’exemple et être soi-même heureux.se est un excellent point de départ pour montrer la voie. Toujours selon Shawn Anchor, nous pouvons entraîner notre cerveau à être heureux en adoptant les 7 principes suivants : 

  1. L’avantage du bonheur : habituer notre cerveau à capitaliser sur les pensées et les émotions positives. 
  2. Les points d’appui et les leviers : adopter une vision positive de nous-mêmes. 
  3. L’effet Tetris : s’exercer à voir les possibilités et les occasions, plutôt que les problèmes. 
  4. Le rebond : se concentrer sur le côté positif des difficultés et des échecs. 
  5. Le cercle de Zorro : commencer par de petits objectifs et en aborder graduellement de plus grands.  
  6. La règle du 20 secondes : réaliser de petits changements qui nécessitent peu d’énergie, mais qui seront durables. 
  7. L’investissement social : investir de l’énergie dans la famille et les amis. 

Travailler sur soi même

Bien qu’on ne puisse voir ceci comme une recette magique, ces principes nous rappellent certaines bases sur lesquelles nous pouvons agir pour maximiser nos chances d’être heureux. Chacune et chacun d’entre nous le fait de sa propre façon. Une chose est certaine, l’impression d’être au bon endroit, en pleine possession de ses moyens, est un prérequis essentiel pour démontrer un vrai leadership et influencer les personnes qui travaillent à nos côtés. 

Gérer le bonheur est un défi complexe 

La gestion du bonheur est loin d’être une science exacte. En tant que gestionnaire, il est normal de se sentir parfois dépourvu.e lorsque vient le temps de mettre en place des stratégies visant à susciter ce sentiment au sein de son équipe ou de son organisation. Nous connaissons tous l’expression courante : « on ne peut pas faire le bonheur de tout le monde ». Celle-ci résume bien le défi auquel nous les gestionnaires devons faire face, en particulier celui de prendre des décisions équitables pour l’ensemble du groupe. Nous pouvons cependant influencer de nombreux paramètres susceptibles de rendre notre environnement de travail propice au bonheur. Les avantages d’une telle approche sont multiples et valent la peine d’y accorder une attention soutenue.  

Selon une étude parue dans le Journal of Financial Economics, les 100 compagnies offrant le meilleur environnement de travail – telles que votées à 66 % par les employés et à 33 % par les gestionnaires – sont celles qui génèrent le meilleur rendement aux actionnaires. Autrement dit, le bonheur est un gage de rentabilité. Cette conclusion confirme ce que plusieurs recherches tendent à démontrer, soit le fait que les employées heureuses et les employés heureux partagent certaines caractéristiques recherchées par les organisations. Ces personnes sont plus efficaces, plus créatives et  mieux adaptées au service client, sans compter qu’elles contaminent positivement leurs collègues.

Pour établir leur classement des 100 compagnies offrant le meilleur environnement de travail, les responsables de l’étude réalisent également un audit de la culture d’entreprise. Cinq variables essentielles ont été identifiées pour la création d’un environnement de travail susceptible de favoriser le bonheur : 

  1. La crédibilité – l’honnêteté et la transparence de l’organisation 
  2. Le respect – assurer la dignité du personnel 
  3. L’équité –  un traitement égal pour toutes et pour tous 
  4. La fierté – le sentiment d’accomplissement 
  5. La camaraderie – des relations humaines fluides et positives 

Un mélange bien équilibré de ces 5 ingrédients représente la voie à suivre pour bonifier la culture d’entreprise et augmenter l’attrait envers l’organisation, autant à l’extérieur qu’au sein même de celle-ci. 

Agir dans la bonne direction 

Dans la bonne direction

Aux cinq grands principes énoncés précédemment se greffent aussi de nombreuses actions et approches que l’ensemble des spécialistes considèrent comme porteuses pour rendre les employées heureuses et les employés heureux. Les épisodes pandémiques ont mis en lumière la nécessité de porter une attention particulière à la conciliation travail-vie personnelle. En tant que gestionnaires, nous gagnons à aller au-delà des évidences dans ce domaine. Il est essentiel de rester à l’écoute des besoins et des attentes spécifiques au contexte dans lequel évoluent les membres de nos équipes. Un petit secret entre nous : les horaires flexibles ont la cote! 

Bien sûr, la mise en place de programmes d’avantages sociaux plus élaborés est un atout, mais on ne saurait sous-estimer l’importance de structurer un parcours d’avancement bien défini, de façon à ce que l’employé.e perçoive qu’il ou elle peut grandir au sein de l’entreprise. Montrez l’exemple en ayant vous-même une attitude positive, soyez reconnaissant.e.s et récompensez les bonnes initiatives, établissez des canaux de communication clairs et transparents, restez à l’écoute : voici autant de bonnes habitudes à adopter pour faire progresser l’indice du bonheur. 

Dans notre société orientée vers la performance, s’accorder le temps de prendre une pause n’est pas un réflexe naturel pour les leaders et les personnes clés œuvrant au sein de nos équipes. Il s’agit pourtant d’une attitude bénéfique et positive qui doit être encouragée pour de meilleurs résultats à long terme.  Votre joueuse ou votre joueur étoile ne vous sera d’aucun soutien si il ou elle tombe au combat, victime de surmenage. Ce type de préoccupation, longtemps négligé, est aujourd’hui de rigueur pour toute organisation soucieuse du bien-être et de la productivité de ses employé.es. 

À la lumière de tous ces constats, on se rend compte que la recherche du bonheur, si elle demeure une quête élusive, peut jusqu’à un certain point être stimulée et encadrée. Chaque personne en a sa propre définition. Votre approche gagnera à être instaurée avec subtilité. Avec l’apparition de programmes tels que des MBA sur le bonheur dotés de frais de scolarité à 18 000 $, il est bon de se garder une petite gêne pour éviter la perception qu’il ne s’agit que d’une autre stratégie pour stimuler la productivité. Rappelez-vous, le bonheur est une question d’équilibre.

Par Stéphane Rochereau

Associé, Brio Boutique de management, plus de 15 ans d'expérience en accompagnement des organisations sur des problématiques de transformation, de planification stratégique, de futur du travail et d'expérience employé.

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