Stratégie

2022.12.05

Les crises : une occasion de se réinventer

Par Véronique Kéna-Cohen

Les situations de crise mettent à l’épreuve nos capacités de réaction et révèlent au grand jour les failles de nos organisations. Comme tous les épisodes disruptifs, elles peuvent aussi être porteuses de belles occasions. Les entreprises bien structurées et bien préparées sont assurément celles qui sont les plus aptes à en profiter.

Aussi soudaines qu’imprévisibles, les crises se succèdent et ne se ressemblent pas. Le choc financier de 2008, la pandémie de COVID-19 et l’actuelle guerre en Ukraine ont suscité des enjeux différents. Si la nature des actions à prendre sera forcément différente, le processus de réponse demeure relativement identique. En tant que chefs d’entreprise ou gestionnaires, le respect des principes suivants augmente nos chances de réagir efficacement en situation de crise :

  • Être bien préparé.e
  • Affronter la pression en restant calme, pour minimiser les dommages.
  • Envisager l’avenir pour identifier les occasions soulevées par la crise

La sagesse anglo-saxonne affirme qu’il faut savoir éviter de  « gaspiller une bonne crise » (never waste a good crisis). Ces moments où le niveau de risque grimpe subitement s’avèrent toujours plus ou moins périlleux, mais ils représentent de belles occasions de se réinventer.

Voici trois étapes clés où vous aurez la chance de le faire :

ÉTAPE 1 : L’entre crise 

La personne qui excelle à résoudre les difficultés les résout avant qu’elles ne surgissent. 

À l’image de ce qu’évoquait Sun Tsu dans son célèbre livre L‘art de la guerre,  les périodes où tout va bien sont celles dont on devrait profiter pour se préparer à une crise éventuelle. Cet exercice requiert une analyse exhaustive de l’environnement dans lequel votre organisation évolue, suivie d’une planification détaillée, axée sur la gestion préventive des risques. Pour ce faire, mieux vaut prendre le temps de s’élever au-delà des opérations quotidiennes. Il s’agit là d’un premier défi, car lorsque les affaires vont bien, les derniers aspects auxquels on voudrait s’attarder sont les inévitables problèmes à venir. Il est parfaitement humain de vouloir remettre à plus tard, mais lorsque la crise se pointera, il sera malheureusement… trop tard.

Se libérer du temps pour planifier 

Se libérer du temps
L’essentiel est d’avoir une stratégie pour accroître le temps dont on dispose pour régler ces questions. L’une des grandes qualités des gestionnaires efficaces réside dans leur capacité à délaisser la microgestion pour déléguer efficacement les tâches à leurs équipes. Ce talent est rarement inné et exige au contraire de s’habituer à mettre en place des conditions aptes à rendre nos collaborateurs et collaboratrices plus engagé.es et performant.es. Au rythme où ces personnes deviendront plus autonomes, votre temps disponible pour gérer et planifier au niveau macro augmentera.

Les actions suivantes favoriseront l’autonomie de vos équipes :

  1. Établir une vision claire partagée;
  2. Bien définir les priorités et les comportements attendus;
  3. Mettre en place des outils de pilotage de la performance et d’amélioration continue des pratiques de l’équipe;
  4. Instaurer du coaching de proximité (individuel et collectif) pour favoriser l’adoption et l’enracinement de nouvelles façons de fonctionner.

Le plan de gestion de crise : un outil incontournable

Plan de gestion de crise
Nos collègues experts en gouvernance et en stratégie travaillent souvent avec des cadres de haute direction afin de les aider à mieux prévoir et gérer leurs risques. À partir de ces interactions, ils ont identifié quatre grands types de risque à considérer :

  1. Stratégique → réalisation des objectifs stratégiques compromise, réputation atteinte, catastrophe naturelle, pandémie, crise économique, cyberattaque, etc.
  2. Opérationnel /organisationnel→ manque de main-d’œuvre, climat de travail difficile, modes de communication ou de décision inefficaces, problèmes d’ordre technologique, etc.
  3. Financier → perte de clients, manque de liquidité, perte de revenus, etc.
  4. De conformité → non-respect de la législation ou réglementation, manquement éthique, fraude, etc.

Avec la participation de vos collègues, il est ainsi possible de déterminer et de classer, les différents risques auxquels votre organisation fait face. Évaluez ensuite  la probabilité et la gravité d’impact de chacun de ceux-ci afin de cibler des mesures de prévention et de gestion qui vous permettront d’être prêts si l’un de ces risques se concrétise.

Cette étape gagne à être abordée comme un exercice résolument stratégique. On en profitera pour :

  • identifier des opportunités pour rompre avec ce qui est obsolète ;
  • remettre en question certaines pratiques, croyances ou certitudes ;
  • réviser certains éléments clés de l’organisation, comme le modèle d’affaires, les valeurs ou les priorités.

La définition et la mise en place d’un plan d’urgence et de gestion du risque représentent une formidable occasion de se réinventer. Non seulement est-il important de déterminer les bases sur lesquelles repose ce plan, mais il est impératif d’y intégrer des procédures claires à suivre en cas de crise. Les rôles décisionnels et la chaîne de commandement devraient être établis à l’avance, ainsi que les actions prioritaires à déployer. Enfin, on ne saurait sous-estimer l’importance d’un processus de communication extrêmement rigoureux et flexible. En situation de crise, l’information devient souvent la première victime, alors qu’elle est un enjeu prioritaire à tous les niveaux hiérarchiques.

ÉTAPE 2 : La crise

Si la maison est en feu, commencez par éteindre l’incendie

La crise explose. Ça brûle. En tant que leader, votre responsabilité est de bien gérer cette situation. Voici une recette de base pour mieux affronter la crise. :

  1. S’assurer d’obtenir de l’information de qualité dans les plus brefs délais;
  2. Prendre des décisions rapides avec l’information dont vous disposez;
  3. Communiquer fréquemment et clairement à l’ensemble de l’organisation, en respectant le principe du « juste assez, juste à temps ».

Obtenir et gérer l’information

En tant que leader, votre plan d’urgence devrait identifier des personnes clés qui seront vos interlocuteurs.trices en cas de crise. Si l’information se situe à leur niveau, ils ou elles seront en mesure de vous fournir rapidement un rapport clair et impartial. En retour, si c’est vous qui détenez l’information, ils ou elles deviendront vos personnes de confiance pour faire circuler les bons messages. L’important est de disposer le plus rapidement possible d’une information fiable sur laquelle s’appuyer pour prendre les meilleures décisions possibles.

En temps de crise, ne pas avoir assez d’informations pour sélectionner une action à entreprendre peut nous amener à éliminer cette possibilité d’action. Par exemple, si votre site de vente à la clientèle est en panne et qu’on ne peut vous fournir une estimation du temps requis pour la réparation, son utilisation ne devrait pas faire partie d’une de vos options.

Des questions simples, un message clair.

Comme le temps est compté, le recours à des questions simples est indiqué pour maximiser vos chances de remettre l’entreprise sur les rails le plus tôt possible. En privilégiant des questions auxquelles on peut répondre par oui ou par non, à la limite par « peut-être », on élimine rapidement des possibilités pour se concentrer sur l’essentiel.

Une fois la question centrale identifiée, la prise de décision peut être collaborative, par exemple, par une équipe de direction, ou plus directive, sous la responsabilité d’une seule personne. Il faut se rappeler que les modes de prise de décision importent moins que la clarté des mécanismes de gouvernance de la crise. La chaîne de communication doit notamment être adaptée à l’ensemble de l’organisation en ajustant le niveau et la nature des informations pour chaque palier hiérarchique.

Dans la recherche de solutions en situation de crise, le futur appartient aux personnes qui mettent à profit l’intelligence collective et vont au-delà des solutions traditionnelles dont leurs compétiteurs se contenteront. Il s’agit encore une fois de se démarquer et cela constitue un excellent moment pour se réinventer.

ÉTAPE 3 : La sortie de crise :

Ne gaspillez jamais une bonne crise

Ça y est, la poussière retombe et vous sentez que vous êtes en train de sortir la tête de l’eau. Vos opérations sont stabilisées et c’est le moment de vous projeter dans l’avenir. Prenez une pause et profitez-en pour remercier vos équipes en reconnaissant leur soutien et leurs efforts. Ces épisodes souvent difficiles ont la capacité de renforcer le sentiment d’appartenance et d’identification au projet commun, favorisant ainsi la rétention et la motivation au travail. C’est l’occasion d’intervenir pour resserrer encore plus les troupes.
Être reconnaissant
Une fois la crise passée, l’environnement dans lequel évolue votre organisation se retrouve transformé, et ce, plus ou moins radicalement selon la portée des événements survenus. Comment se positionner de façon optimale pour saisir les occasions que présente ce nouveau contexte? Voici quelques actions à envisager :

  • Revoir l’identité et les valeurs de votre organisation pour mieux les adapter en vue des années à venir;
  • Vérifier si votre offre de service et vos talents sont toujours arrimés aux besoins de votre clientèle;
  • Déterminer vos besoins réels en main-d’œuvre en tenant compte de la pénurie de talents présente dans la plupart des secteurs;
  • Réviser votre environnement technologique pour optimiser la compétence numérique de l’organisation ;
  • Évaluer les changements effectués lors de la crise pour déterminer la pertinence de les maintenir.

N’hésitez pas à utiliser l’intelligence collective de vos équipes comme levier. C’est le moment d’être à l’écoute et de faire preuve de créativité. Il est essentiel de tirer le meilleur de cet instant où vous êtes dans une zone à mi-chemin entre le passé et le futur de votre organisation. Il y a devant vous un monde de possibilités et le contexte est idéal pour se réinventer.

Itinéraire d’ne transformation réussie

Chemin Parcouru
Comme nous l’avons mentionné précédemment, le succès de cette opération repose sur certains principes bien établis. Un plan d’urgence bien étoffé, associé à une veille constante des tendances et des mouvements présents dans votre industrie ou secteur, permettra de mieux affronter les crises et les perturbations majeures, à défaut de toujours pouvoir les anticiper. L’identification de personnes clés au sein de votre équipe pour gérer ces événements, notamment en ce qui a trait à l’obtention et la diffusion de l’information, est une condition essentielle pour demeurer en contrôle et réagir efficacement en prenant des décisions rapides et bien avisées. Enfin, la période post-crise est probablement le meilleur moment pour mener une réflexion approfondie en vue de repositionner  avantageusement votre organisation et de profiter ainsi des occasions uniques que suscitent les chocs transformationnels. Avec un itinéraire bien tracé et une vision claire, vous serez étonnés du chemin que vous pouvez parcourir !

Pour en savoir plus sur le sujet, consultez notre article : Des pistes de réflexion pour adapter votre organisation à l’ère post-pandémique

Par Véronique Kéna-Cohen

Conseillère exécutive avec plus de 15 ans d'expérience dans l'accompagnement clients sur des diagnostics organisationnels, de la planification stratégique, de renouvellement de pratiques de gestion de talents entre autres.

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